Dom Columba Marmion (1858-1923)
Postulation of the Cause of Blessed Columba Marmion, 3rd Abbot of Maredsous Abbey
Dom Columba Marmion
Beatification 3rd September 2000
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3rd September 2000 (French)
1. Dans le contexte de l'Année Jubilaire, c'est avec une grande joie
profonde que j'ai déclaré bienheureux deux Pontifes, Pie IX et Jean XXIII,
et trois autres serviteurs de l'Evangile, dans le ministère et dans la vie
consacrée: l'Archevêque de Gênes, Tommaso Reggio, le prêtre diocésain,
Guillaume-Joseph Chaminade, le moine bénédictin, Columba Marmion.
Cinq
personnalités différentes, ayant chacune son caractère et sa mission, mais
toutes rassemblées par l'aspiration à la sainteté. C'est précisément leur
sainteté que nous reconnaissons aujourd'hui : une sainteté qui est une
relation profonde et bouleversante avec Dieu, construite et vécue dans
l'engagement quotidien d'adhésion à sa volonté. La sainteté vit dans
l'histoire et aucun saint n'échappe aux limites et aux conditionnements
propres à notre humanité. En béatifiant l'un de ses fils, l'Église ne
célèbre pas les choix historiques particuliers qu'il a pris, mais elle
l'indique plutôt comme devant être imitié et vénéré pour ses vertus, comme
une louange à la grâce divine qui resplendit en celles-ci.
J'adresse un salut respectueux aux délégations officielles d'Italie, de France, d'Irlande, de Belgique, de Turquie, de Bulgarie, rassemblées ici en cette circonstance solennelle. Je salue également les parents des nouveaux bienheureux, ainsi que les cardinaux, les évêques, les autorités civiles et religieuses, qui ont voulu prendre part à cette célébration. Enfin, je vous salue tous, chers frères et soeurs, qui êtes venus en grand nombre pour rendre hommage aux serviteurs de Dieu que l'Église inscrit aujourd'hui dans l'Album des bienheureux.
2. En écoutant les paroles de l'acclamation de l'Évangile : "Seigneur,
guide-nous sur le droit chemin", notre pensée s'est tournée spontanément
vers la vie humaine et religieuse du Pape Pie IX, Giovanni Marie Mastai
Ferretti. Face aux événements tourmentés de son temps, il fut un exemple
d'adhésion inconditionnée au dépôt immuable des vérités révélées. Fidèle en
toute circonstance aux engagements de son ministère, il sut toujours
accorder la primauté absolue à Dieu et aux valeurs spirituelles. Son très
long pontificat ne fut vraiment pas facile et il dut beaucoup souffrir en
accomplissant sa mission au service de l'Évangile. Il fut profondément aimé,
mais également haï et calomnié.
Mais ce fut précisément au milieu de ces
contradictions que brilla plus vivement la lumière de ses vertus : des
épreuves prolongées renforcèrent sa confiance dans la Providence divine,
dont il ne douta jamais de la domination souveraine sur l'histoire humaine.
C'est de là que naissait la profonde sérénité de Pie IX, même face aux
incompréhensions et aux attaques de tant de personnes hostiles. Il aimait
dire de ceux qui étaient proches de lui : "Dans les choses humaines, il faut
se contenter de faire du mieux que l'on peut et pour le reste, s'abandonner
à la Providence, qui palliera aux défauts et aux insuffisances de l'homme".
Soutenu par cette conviction intérieure, il lança le Concile oecuménique
Vatican I, qui éclaircit avec une autorité magistérielle certaines questions
alors débattues, confirmant l'harmonie entre la foi et la raison. Dans les
moments d'épreuve, Pie IX trouva un soutien en Marie, pour laquelle il
éprouvait une grande dévotion. En proclamant le dogme de l'Immaculée
Conception, il rappela à tous que dans les tempêtes de l'existence humaine,
la lumière du Christ brille dans la Vierge, plus forte que le péché et la
mort.
3. "Tu es bon et prêt au pardon" (Antienne d'ouverture). Nous contemplons
aujourd'hui dans la gloire du Seigneur un autre Pontife, Jean XXIII, le Pape
qui frappa le monde par son comportement affable, duquel transparaissait sa
singulière bonté d'âme. Les desseins divins ont voulu que cette
béatification rassemble deux Papes ayant vécu dans des contextes historiques
très différents, mais liés, au-delà des apparences, par de nombreuses
ressemblances sur le plan humain et spirituel. On connaît la profonde
vénération que le Pape Jean XXIII avait pour Pie IX, dont il souhaitait la
béatification. Au cours d'une retraite spirituelle en 1959, il écrivait dans
son Journal : "Je pense toujours à Pie IX de sainte et glorieuse mémoire, et
l'imitant dans ses sacrifices, je voudrais être digne d'en célébrer la
canonisation" (Journal de l'Ame, Ed. San Paolo, 2000, p. 560).
Le Pape
Jean a laissé dans le souvenir de tous l'image d'un visage souriant et de
deux bras ouverts pour embrasser le monde entier. Combien de personnes ont
été conquises par la simplicité de son âme, liée à une vaste expérience des
hommes et des choses ! Le souffle de nouveauté qu'il apporta ne concernait
pas la doctrine, mais plutôt la façon de l'exposer, sa façon de parler et
d'agir possédait un style nouveau, l'attitude de sympathie avec laquelle il
approchait les personnes communes et les puissants de la terre était
nouvelle. Ce fut dans cet esprit qu'il lança le Concile oecuménique Vatican
II, avec lequel il ouvrit une nouvelle page de l'histoire de l'Église : les
chrétiens se sentirent appelés à annoncer l'Évangile avec un courage
renouvelé et une plus grande attention aux "signes" des temps. Le Concile
fut véritablement une intuition prophétique de ce Pontife âgé qui inaugura,
au milieu de nombreuses difficultés, une saison d'espérance pour les
chrétiens et pour l'humanité.
Lors des derniers moments de son existence
terrestre, il confia son testament à l'Église : "Ce qui compte le plus dans
la vie est Jésus-Christ béni, sa Sainte Eglise, son Evangile, la vérité et
la bonté". Nous voulons aujourd'hui accueillir nous aussi ce testament,
alors que nous rendons gloire à Dieu pour nous l'avoir donné comme Pasteur.
4. "Mettez la parole en pratique. Ne soyez pas seulement des auditeurs"
(Jc 1, 22). L'existence et l'apostolat de Tommaso Reggio, prêtre et
journaliste, devenu par la suite Évêque de Vintimille et enfin Archevêque de
Gênes, fait penser à ces paroles. Ce fut un homme de foi et de culture et,
en tant que Pasteur, il sut être un guide attentif de ses fidèles en chaque
circonstance. Sensible aux multiples souffrances et à la pauvreté de son
peuple, il prit la responsabilité de fournir une aide appropriée dans toutes
les situations de besoin. C'est précisément dans cette perspective qu'il
créa la Famille religieuse des Soeurs de Sainte Marthe, en leur confiant la
tâche de prêter leur aide aux pasteurs de l'Église, en particulier dans le
domaine caritatif et éducatif.
Son message peut être résumé en deux mots
: vérité et charité. La vérité, tout d'abord, qui signifie une écoute
attentive de la Parole de Dieu et un élan courageux pour défendre et
diffuser les enseignements de l'Évangile. Puis, la charité, qui pousse à
aimer Dieu, et, par amour de lui, à embrasser chacun, car nous sommes frères
dans le Christ. Si Tommaso Reggio manifesta une préférence dans ses choix,
ce fut pour ceux qui se trouvaient en difficulté et qui souffraient. Voilà
pourquoi il est proposé aujourd'hui comme modèle aux évêques, aux prêtres et
aux laïcs, ainsi qu'à ceux qui font partie de sa famille spirituelle.
5. La béatification, durant l'année jubilaire, de Guillaume-Joseph
Chaminade, fondateur des marianistes, rappelle aux fidèles qu'il leur
appartient d'inventer sans cesse des manières nouvelles d'être témoins de la
foi, notamment pour rejoindre ceux qui sont loin de l'Église et qui n'ont
pas les moyens habituels de connaître le Christ. Guillaume-Joseph Chaminade
invite chaque chrétien à s'enraciner dans son Baptême, qui le conforme au
Seigneur Jésus et lui communique l'Esprit Saint.
L'amour du Père
Chaminade pour le Christ, qui s'inscrit dans la spiritualité de l'École
française, le pousse à poursuivre inlassablement son oeuvre par des
fondations de familles spirituelles, dans une période troublée de l'histoire
religieuse de France. Son attachement filial à Marie l'a maintenu dans la
paix intérieure en toute circonstance, l'aidant à faire la volonté du
Christ. Son souci de l'éducation humaine, morale et religieuse est pour
toute l'Église un appel à une attention renouvelée pour la jeunesse qui a
besoin tout à la fois d'éducateurs et de témoins pour se tourner vers le
Seigneur et prendre sa part dans la mission de l'Église.
6. Aujourd'hui, l'Ordre bénédictin se réjouit de la béatification d'un de
ses plus illustres fils, Dom Columba Marmion, moine et Abbé de Maredsous.
Dom Marmion nous a légué un authentique trésor d'enseignement spirituel pour
l'Église de notre temps. Dans ses écrits, il enseigne un chemin de sainteté,
simple et pourtant exigeant, pour tous les fidèles, que Dieu par amour a
destinés à être ses fils adoptifs dans le Christ Jésus (cf. Ep. 1, 5).
Jésus-Christ, notre Rédempteur et source de toute grâce, est le centre de
notre vie spirituelle, notre modèle de sainteté.
Avant d'entrer dans
l'Ordre bénédictin, Columba Marmion consacra quelques années au soin
pastoral des âmes en tant que prêtre de son archidiocèse natal de Dublin.
Tout au long de sa vie, le Bienheureux Columba fut un directeur spirituel
hors pair, prenant un soin particulier de la vie intérieure des prêtres et
des religieux. A un jeune homme se préparant à l'ordination, il écrivit un
jour : "La meilleure des préparations à l'ordination est de vivre chaque
jour dans l'amour partout où l'obéissance et la Providence nous placent"
(Lettre, 27 décembre 1915). Puisse une vaste redécouverte des écrits
spirituels de Dom Columba Marmion aider les prêtres, les religieux et les
laïcs à croître dans l'union avec le Christ et lui apporter un témoignage
fidèle à travers l'amour ardent de Dieu et le service généreux à leurs
frères et soeurs.
7. Nous demandons avec confiance aux nouveaux bienheureux Pie IX, Jean XXIII, Tommaso Reggio, Guillaume-Joseph Chaminade et Columba Marmion de nous aider à vivre de façon toujours plus conforme à l'Esprit du Christ. Que leur amour pour Dieu et pour leurs frères soit une lumière pour nos pas en cette aube du troisième millénaire !